Continuons cette série d’articles légers pour l’été avec ce que les Youtubeurs appellent une “Storytime” (que je pourrais très bien sous-titrer : “j’ai testé et me suis vautrée pour vous”)
J’ai un peu hésité à vous mentionner cette anecdote car il s’agit en fait d’un bel échec. Et ça m’en coûte un peu d’en parler, forcément.
Mais d’un autre côté, ce serait vous mentir que de vous dire que tout m’a toujours réussi, dès la première fois, sans jamais trouver d’embûches sur mon chemin. Et puis si mes erreurs peuvent servir à d’autres…
Du coup c’est l’été, il y a moins de monde qui passe par là (visiblement, c’est faux, mais bon c’est ce que j’aime croire). Et puis l’histoire que je vais vous conter aujourd’hui est quand même très drôle. Exit les “success story”, je m’en vais vous raconter mes “échecs stories” – oui, il y en a d’autres, c’est pas la seule.
Alors c’est parti ! Il était une fois, une créatrice de bijoux qui avait eu l’idée du siècle : lancer une gamme pour chiens…
POURQUOI POUR LES CHIENS ?
Pour vous situer le contexte : je venais tout juste de me lancer officiellement en tant que créatrice de bijoux. C’était en 2010, fabriquer des bijoux était pour moi une découverte récente. Et un jour, à ma grande surprise, j’ai été invitée à participer à un pop-up store.
Je profiterai d’un prochain article pour m’étendre sur le sujet, mais me voilà alors un peu contrainte à prendre un statut professionnel – un peu dans la précipitation il est vrai – pour pouvoir y participer. (Et HEU-REU-SE-MENT car je serais peut être encore en train de me tâter à le faire à l’heure actuelle !) (et merci le statut d’auto-entrepreneur qui venait tout juste de pointer son nez et qui m’a permis de la faire en 48h)
J’avais réfléchi à proposer une collection cohérente (qui ne l’était en fait pas du tout). Mon nom de marque et mon amour pour les mots m’ont amené à créer une gamme de bijoux tamponnés avec des phrases, des mots chocs, des expressions cultes. Pour donner un aspect plaque militaires, j’utilisais alors des bandes d’argent et des chaines billes, pour une allure un peu mixte (coucou c’est moi la fille qui sait pas choisir !).
Si cela vous intéresse, je reviendrai dans un prochain article sur ce qui m’a poussé à créer cette collection. Ce qui, avec du recul, était très judicieux, et ce qui fait que cela ne pouvait pas durer dans le temps.
C’est tout simplement le gérant de ce pop up store qui m’a donné l’idée.
Il m’a demandé si je pouvais refaire un de mes bijoux – avec les mots “abstinent obstiné” – mais sur une médaille ronde, et une chaîne plus résistante, pour son chien. Chose que j’ai réalisé, qu’il a adoré (l’histoire ne dit pas si Loulou – en une de cet article – a apprécié la blague).
Justement, le mois d’après, cette galerie accueillait une vente éphémère à l’attention de nos amis les canidés. Et me voilà invitée à proposer ces même créations lors de cet événement.
Bingo ! Tout semblait coller parfaitement : le même style de bijoux (donc le même matériel), la même idée, le même univers, avec des mots chocs, humoristiques ! J’avais même mon prochain événement de prévu, et fait mes premières ventes avant même d’avoir développé la gamme.
Sur le papier, cela me semblait parfait, cohérent, juste GE-NIAL !
QUEL ÉTAIT LE CONCEPT ?
L’idée était de faire une collection en cohérence avec celle déjà existante.
J’ai donc décliné une dizaine de phrases, tamponnées sur des disques en acier (moins cher que l’argent, et qui dure dans le temps). Je proposais également une option de personnalisation des mots pour quelques euros supplémentaires. Ces pendentifs pouvaient être achetés seuls, à 15€ l’unité.
Je proposais également 4 types de colliers au choix, qui étaient en fait des grosses chaines en métal argenté, ainsi qu’un choix de rubans en tissus doublés. Les prix allaient de 22€ à 32€. J’avais fait le choix de proposer 4 tailles.
Pour illustrer cette collection, j’avais organisé une journée fou rires shooting au parc de Vincennes avec une photographe. Nous avons couru après des chiens des maîtres de chiens pour disposer de modèles peu coopérants.
De supers souvenirs, quelques jolies photos, et une présentation soignée : et voilà !
LES RAISONS D’UN ÉCHEC
Et comme vous l’aurez deviné vu le titre de cet article : le succès n’a pas été au rendez-vous. Malgré toute ma foi en cette gamme, et tout le plaisir passé à créer cet univers, les ventes n’ont jamais vraiment décollé. Et même pire : j’avais beaucoup de retours… Je ne peux pas dire que cet échec ait été triste pour moi : il ne s’agissait pas de ma gamme principale, qui elle marchait plutôt bien. Mais il peut être utile de faire un retour en arrière pour analyser ce qui n’allait pas dans mon offre.
- La qualité du produit en lui-même : j’avais sous-estimé la force de ces petites bêtes, leur propension à se gratter, se secouer, se mordiller… Les anneaux, bien que très solides, finissaient tous par céder. Les fermoirs s’ouvraient, les chaînes se cassaient, les rubans se détérioraient dès la première pluie… Et les retours pleuvaient aussi.
- La mauvaise adaptation de mon produit à ma “clientèle” : si pour les humains il parait souvent fastidieux de proposer de nombreuses tailles de bagues ou de bracelets pour qu’ils s’adaptent au mieux à chacun, alors je vous laisse imaginer pour les chiens… Du chihuahua au bouledogue, il y a une iiimmmeeensité de tours de cous. Du coup, même avec 4 tailles “standard”, personne ne trouvait vraiment son bonheur. Mal connaître sa clientèle, c’est se tromper à coup sûr !
- Un mauvais ciblage : une équation à 3 inconnues, ça commençait à faire trop… Car en effet, j’avais une clientèle cible pour mes bijoux “classiques”, et une autre clientèle cible pour cette collection. Sans compter que pour cette collection, ma clientèle (ceux qui achètent, les maîtres) n’était pas le porteur du bijou au final (les chiens). Il fallait vraiment adapter mon offre produit pour les chiens, à ma communication pour leurs maîtres, tout en espérant croiser ces gens avec mon autre cible, de jeunes femmes et hommes de 20 / 30 ans, décomplexés et urbains. Bref, ça ne collait pas !
- Une offre et une image pas assez claires : ce que je proposais n’était pas assez bien défini. Est-ce un collier pour chien ? Un bijou ? A qui s’adresse t’il vraiment ? Est-ce un cadeau ? Mes tarifs étaient trop prohibitifs pour un simple collier pour chien. Mais pas assez élevés pour que cela soit considéré comme “bijou” pour son animal chéri. Et quand je revois mes tarifs, il m’aurait été impossible de vendre à des revendeurs sans augmenter mes prix.
- Des circuits de distribution différents : vouloir vendre cette gamme pour animaux de compagnie sur les mêmes lieux de vente et dans les mêmes boutiques que mes bijoux “créateur” était définitivement une erreur (mais aussi une opportunité, vous verrez plus loin). Ma clientèle ne se trouvait pas dans ces endroits, et même si ce pop up store destiné aux chiens et à leur maître pouvait effectivement être idéale, les autres circuits de distribution n’étaient pas adaptés du tout.
LA BONNE IDÉE
Une fois ce constat effectué, je n’ai plus réellement développé cette collection. J’ai gardé mon stock, mais n’ai pas cherché à communiquer dessus.
En revanche, elle a été définitivement un tremplin pour mon autre marque !
Grâce à ce positionnement inhabituel, et peu concurrentiel, j’ai réussi à obtenir ma place dans des événements auxquels je rêvais de participer.
Et oui, c’était mon avantage concurrentiel ! Mon petit “plus” qui fait que mon dossier a été choisi plutôt qu’un autre.
Vous le savez : sur des salons, marchés, boutiques éphémères, environ 80% des candidatures sont des créateurs de bijoux. Comment faire ressortir son dossier ? Pour avoir moi-même organisé un énorme Pop-Up store de 80 exposants, je peux vous dire que le talent ou l’originalité sont essentiels mais pas suffisants.
Commercialement parlant, les organisateurs essaient d’attirer un maximum de visiteurs en proposant des univers et créateurs variés.
Et je peux vous dire que sur le créneau “chiens”, il n’y avait pas grand monde 🙂
J’ai donc utilisé cette “subtilité” en la mettant en avant dans mes dossiers de candidature. Une fois sur l’événement, j’exposais effectivement un petit encart avec mes pendentifs canins, légèrement sur le côté. Et mes collections classiques avaient la plus belle place, évidemment.
Je n’ai évidemment pas plus vendu de bijoux pour nos amis les bêtes.
Mais j’ai vendu les autres, j’ai pu me faire un petit nom dans le milieu des créateurs parisiens, et enchaîner du coup les ventes suivantes !
SI C’ÉTAIT A REFAIRE ?
Evidemment : je reverrai la qualité et l’adaptabilité de mon produit. Peut être ferais-je appel à une marque déjà existante de colliers pour chiens pour me concentrer uniquement sur la partie pendentif. Celle que je maîtrisais, et qui était la vraie valeur ajoutée.
Ensuite, je pense qu’un concept atypique comme le bijou pour chien, mérite une attention accrue et non pas d’être en “secondaire” sur une marque déjà existante. Je referais donc peut être une marque à part entière, sous un nom et un univers différent, et travaillé entièrement selon cette cible là.
Autre chose : je re-définirais mon concept pour ne pas le laisser dans un entre-deux. Je choisirai alors de communiquer sur le côté “bijou”, comme on offrirait un cadeau, une attention pour quelqu’un que l’on aime.. J’utiliserai de l’argent massif plutôt que de l’acier, ou bien j’y ajouterai une touche de luxe (une pierre, une initiale en plus, une touche de doré). Le packaging serait également adapté, avec un écrin plutôt qu’une pochette. Les tarifs seraient donc revus à la hausse, mais assumés. Vendre moins, mais vendre plus cher, ça marche aussi !
Mes circuits de distributions seraient évidemment revus pour qu’ils collent à ma clientèle cible. A voir au niveau de la communication aussi, avec le côté “décalé” d’un tel produit.
Enfin, je saurais rester patiente ! Je le sais maintenant : il faut du temps avant de se faire connaître, et éventuellement de décoller. Ne pas tirer de conclusions trop hâtives, ajuster le tir lorsqu’on réalise ses erreurs. Tester, tenter et croire en son produit !
Au final, je pense que cette collection était, comme pour tout le reste, une expérience, une tentative, un test, un bon moment dans lequel j’avais envie de foncer. Je voyais toutes les portes ouvertes devant moi, et je n’avais qu’à foncer. L’énergie et la stimulation que l’on peut avoir alors, lorsqu’on commence une nouvelle activité, cela n’a pas de prix. Sans ce genre d’expériences, qui sait si j’en serais là aujourd’hui ?
Pour conclure, avec cet article, j’aimerais surtout souligner l’importance de l’échec. Et l’utilité de les analyser et en tirer un maximum de bénéfices pour la suite. Ces erreurs, on ne les refera pas !
Et vous, avez-vous déjà essuyé des échecs ? Qu’en avez-vous tiré comme leçon ?
anne-marie says
Merci Mélanie pour ce généreux partage d’expérience.
La création c’est aussi (surtout) des échecs constructifs.
Je salut ta belle énergie notamment pour le shoot-photo improvisé 😀
bcreatrice says
Mélanie merci pour ton honnêteté et très bons conseils, on a besoin de “failure-stories “plus que de success-stories pour avancer !!! :)))
Emma says
J’ai adoré cette histoire, comme la manière positive (et parfois désopilante) dont tu la racontes ! En plus, j’ai déjà pensé à faire des bijoux pour animaux, moi aussi 😉
Mais le plus étonnant, c’est ton analyse de l’échec. N’étant pas pro, j’aurais été incapable d’en tirer autant de leçons ! Quel talent !!!
Merci pour le partage, toujours généreux 🙂