A parler au quotidien de mon activité, j’en viens parfois à oublier combien il peut être confus lorsqu’on est un débutant, de comprendre toutes les étapes, les techniques, et leur utilité, de la création d’un bijou.
Heureusement, ce blog, son groupe d’entraide associé et son compte Instagram, me donnent régulièrement l’occasion de discuter avec des créateurs en herbe qui se posent beaucoup de questions quant à l’enchaînement des étapes dans la fabrication d’un bijou.
Faut-il dérocher après un recuit ou après le polissage ? L’ultrason, peut-il enlever des traces de Borax ? J’émerise avant ou après avoir soudé mon bijou ?
Et je me rappelle qu’effectivement, ce qui est pour moi aujourd’hui une évidence, ne l’a pas toujours été !
Je profite donc de cet article pour reprendre les bases, et expliquer à ceux qui ne le sauraient pas, quelles sont les principales étapes de fabrication d’un bijou, et dans quel ordre elles s’enchaînent.
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Selon l’équipement de chacun, une étape préalable pourra être la fonte, puis le tréfilage de fil (= l’amincissement d’un fil de métal à travers une filière afin de le mettre au diamètre désiré) ou encore la lamination d’une plaque de métal (écrasement jusqu’à l’obtention d’une feuille de métal de l’épaisseur désirée).
Mais cette technique n’est pas “essentielle” à la fabrication d’un bijou dans le sens où l’on peut acheter directement des fils et plaques de diverses épaisseurs chez les fournisseurs de bijouterie.
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Voici donc les techniques indispensables – mais non exhaustives – pour la plupart des créations de bijoux, et ce quelle que soit la nature du métal : or, argent, laiton, cuivre, gold filled… La méthode reste la même.
(Si certains termes vous semblent du chinois : voici un glossaire et une liste de l’outillage de base qui pourront vous aider !)
1 / LE DESSIN
Première étape du processus de création – et de fabrication – d’un bijou : le dessin.
On peut transposer son esquisse sur le métal de nombreuses façons. Par exemple, un dessin du bijou peut être préalablement réalisé sur papier avant d’être collé sur la plaque. Ou bien on peut directement “graver” le métal à l’aide d’une pointe à tracer.
Bien que cela puisse arriver, il est rare de n’avoir recours à aucun dessin, ou croquis, pour tracer ses repères avant l’étape suivant, la découpe.
2 / LA DECOUPE
Impossible de fabriquer un bijou sans le découper au préalable. Que ce soit dans un plané ou avec des fils, il va falloir “rentrer dans le vif” du sujet !
En général, on utilise un bocfil, dans lequel on enfile une fine lame de scie. Après l’avoir enduit d’un peu de cire, on peut alors attaquer la découpe de son bijou.
Un bon maintien de l’ouvrage ainsi qu’une position adaptée à la cheville seront les garants d’une découpe aisée et précise.
(Pour apprendre plus en profondeur cette technique : module 2 – Découper le métal)
3 / LE LIMAGE
La découpe du métal aura très certainement laissé des bords “francs”, peut être même irréguliers. Il faut donc reprendre son tracé, et effacer les traces laissées par les dents de la scie en le limant.
Pour venir à bout de cette tâche, on utilisera plusieurs formes et grains de limes. Qu’elles soient grandes, larges, épaisses, ou bien fines, étroites et douces, il est utile d’en avoir plusieurs afin de s’adapter au mieux à son ouvrage.
Les limes peuvent également servir à creuser, former, ou texturer le métal.
A savoir : les limes de bijoutiers ont une spécificité : on ne lime que “vers l’avant” ! On ne revient jamais en arrière avec sa lime, au risque d’abîmer son travail préalable.
(Pour apprendre plus en profondeur cette technique : module 3 – Limer le métal)
4 / LE TEXTURAGE
Le texturage d’une surface peut en réalité être réalisé à bien d’autres moments : cela dépend de la structure du bijou.
Certaines réalisations nécessiteront que la texture soit appliquée avant de souder les éléments, pour plus d’aisance. D’autres seront préférable après qu’un bijou soit totalement fini et poli, pour un meilleur rendu. Je le place donc là sans toutefois être catégorique quant à sa position dans les étapes de fabrication.
Il existe mille et une façon de texturer le métal – et de ce fait tout autant d’outils ou de techniques.
Pour ne citer que les plus courantes : le martelage (au marteau), le poinçonnage (avec des tampons d’acier), le ciselage (avec des échoppes), la réticulation (au chalumeau) etc…
5 / LA MISE EN FORME
Maintenant que notre plané ou nos fils sont aux bonnes dimensions et correctement limés, il est temps de leur donner la forme souhaitée.
Il va falloir au préalable ramollir le métal pour qu’il puisse “se plier” au mieux à nos envies. Car en effet, le métal, lorsqu’on l’achète ou lorsqu’on le “travaille” va naturellement s’écrouir (= se durcir). Pour cela, on va donc le recuire.
Pour recuire le métal, il faut le passer sous la chaleur d’un chalumeau durant quelques temps (variable selon la quantité de métal à chauffer), jusqu’à ce qu’il soit rouge. Attention à ne pas le surchauffer, il risquerait de fondre ou de s’altérer !
Cette action lui donnera une souplesse – indispensable pour le mettre en forme – mais aura également pour conséquence de l’oxyder. Voilà donc notre métal tout terne, dans des nuances de marron-noir.
Pour enlever cette oxydation, il faudra le plonger dans un liquide que l’on appelle le déroché. Au bout de quelques minutes, cette oxydation aura disparu. Il faudra répéter le dérochage autant de fois que l’on soumettra le métal à la flamme du chalumeau.
La mise en forme du métal peut alors avoir lieu : on peut l’aplanir, le cintrer, le plier, le tordre, l’emboutir, le torsader, le former… Et j’en passe ! Il existe tout autant d’outils que de techniques, que l’on peut même réaliser soi-même.
(Pour apprendre plus en profondeur ces techniques : module 4 – Recuire, écrouir et mettre en forme le métal)
6 / LE SOUDAGE (BRASAGE)
Vient ensuite l’étape souvent très attendue – mais plus délicate – qu’est le soudage. Ou plutôt le brasage. (Oui, on dit bien “soudage” et non “soudure” en bijouterie 🙂 )
“Brasage” est tout simplement le terme le plus approprié à cette technique. (Mais qui – par abus de langage – est souvent assimilé à la soudure)
Souder (ou plutôt braser, donc) consiste à unir intimement des éléments en métal entre eux à l’aide d’un alliage plus fusible que le ou les métaux employés. Ainsi, les éléments en métal en contact, chauffés à la même température communiquent leur chaleur au paillon de brasure qui fond. Le degré de chaleur atteint correspond au point de fusion du paillon de soudure.
Il faut donc pour cela :
– un chalumeau précis et qui chauffe assez pour faire fondre le paillon de brasure,
– une surface pour braser,
– du fondant (souvent appelé “borax” car la plupart des fondants en contiennent) pour protéger la surface à braser et aider la soudure à couler au bon endroit,
– et des éléments capables de tenir les éléments en place et résistants à la chaleur (pointe à feu, brucelles à feu, troisième main, etc…)
Là encore, le métal va donc s’oxyder (sauf à l’endroit où le fondant aura prévenu l’oxydation). Une couche de borax aura également vitrifié au niveau de la brasure. Il faudra donc à nouveau utiliser le déroché pour nettoyer notre pièce.
(Pour apprendre plus en profondeur cette technique : module 5 – Souder le métal et module 6 – techniques avancées pour souder – disponibles fin mai 2020)
7 / LA FINITION
Une fois notre création formée, texturée et soudée, il y aura très probablement un “nettoyage” supplémentaire à effectuer pour révéler la beauté du bijou.
Selon l’ampleur de la tâche, il peut être nécessaire d’utiliser une lime (pour enlever un excès de soudure par exemple). Parfois simplement un petit coup de papier émeri suffira à rendre notre surface lisse et sans rayures.
L’émerisage est une étape préalable au polissage. Le papier émeri – utilisé seul, sur des cabrons de bois, ou enroulé en “mouche” sur un mandrin, sera utilisé du grain le plus épais au plus fin, afin d’enlever toute rayure apparente. Il s’apparente à ce que l’on appelle “le papier ponce” mais il est bien plus fin.
Enfin, pour une finition “poli miroir”, il faudra utiliser des tissus que l’on enduira de pâte à polir.
Là encore, cela peut se faire à la main, à l’aide de brossettes fixées sur un moteur à main, ou encore sur un tour à polir plus conséquent. La rotation ou le frottement de ces tissus / feutrines / brosses, auquel on ajoute un peu de pâte à polir (là aussi il existe plusieurs “couleurs” et “grosseurs” si l’on souhaite), va venir légèrement abraser la surface du métal jusqu’à un brillant satisfaisant.
Cette action va faire chauffer le métal et la pâte à polir va noircir. Elle va devenir collante laissera parfois quelques traces sur le bijou. C’est tout à fait normal, et cela se nettoie en général dans un bac à ultrasons. Celui-ci va dégraisser et nettoyer le bijou poli de ce reste de pâte noire.
Cependant, cette machine pouvant être onéreuse, un simple brossage mécanique avec une brosse à dents douce et du détergent peut également en venir à bout. Il faut être plus patient, et délicat 😉
Pour une finition matte, d’autres brosses ou techniques peuvent donner un aspect brossé au métal : un émeri épais, une brosse Bufflex, de la laine d’acier, une brosse en laiton etc…. que l’on utilise sans pâte, et qui ne nécessite donc pas de nettoyage ultérieur.
A noter également que ce n’est qu’après toutes ces étapes, et notamment celle de la finition, que l’on pourra faire “dorer”, “plaquer” ou “rhodier” son bijou !
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Voici donc les techniques qui sont indispensables de maîtriser pour chacune des créations que l’on souhaite faire. C’est d’ailleurs selon cet ordre, et technique par technique, que j’ai choisi de décomposer les modules de mes formations aux bases de la bijouterie, vous l’aurez compris.
Ceci dit, ces techniques ne représentent que des “bases” (qui en soit peuvent déjà être largement suffisantes pour fabriquer de beaux bijoux).
Elles peuvent bien entendu être élargies à bien d’autres techniques plus spécifiques : sertissage, gravure, émaillage, granulation, réticulation, filigrane… pour n’en citer que quelques unes.
Si je peux me permettre une analogie : les étapes détaillées ci-dessus sont un peu comme les lettres les plus usitées de l’alphabet (le A, le E, le S etc…). Elles sont très courantes, essentielles à maîtriser au quotidien, mais sans les agrémenter de leurs consœurs le X, le G ou le F, votre discours aura moins de saveurs 🙂
Avez-vous des interrogations quant à l’utilité, la réalisation, ou l’ordre de ces étapes ?
Clotilde says
Bonjour, merci pour cet article qui permet d’y voir plus clair parmi toutes les étapes 🙂
J’ai déjà fait des sequins avec un outil fait pour. J’ai d’abord martelé ma plaque, puis j’ai formé les sequins que j’ai ensuite percés et enfin limés.
Je me suis arrêté là car j’aime le rendu comme ça et je trouvais ça suffisant.
Mais je me rend compte que ce n’est pas très “traditionnel de la bijouterie” si je puis dire haha, qu’en pense tu ?
BALULA says
Bonjour, quelle chalumeau pocket utilisez vous ?
Il chauffe jusqu’à combien de degré ?…
Merci
Bonne soirée cordialement
Jean-pierre says
Est les poinçons comment cela marche qui le fait…
Mel says
Cela dépend de quels poinçons vous parlez. le poinçon de garantie est fabriqué et tamponné par les douanes. Le poinçon de maître sera réalisé par un prestataire pour plus de précisions, une fois le design validé par votre bureau de garantie. Et un poinçon décoratif pourra être réalisé par l’artisan lui-même.