Voici la seconde étape de mon processus de création d’une collection de bijoux cohérente, harmonieuse et surtout : vendable !
Lors de la première étape, je vous expliquais l’importance à mes yeux de se libérer de toute contrainte et de faire ce pour quoi (a priori) nous avons choisi ce métier : créer, fabriquer, imaginer, essayer, recommencer. En général, à ce stade là, je me retrouve avec des dizaines des modèles, parfois très différents les uns des autres, et il devient même très difficile de m’arrêter.
Il m’arrive également parfois d’avoir certaines périodes de “traversées du désert”. Aucune nouvelle idées ne semble venir, l’inspiration est un lointain souvenir… Mais lorsqu’un moment de “flow” se présente je n’hésite pas à m’enfoncer délicieusement dans ces heures qui s’étirent et où le temps semble suspendu. J’ai en général sauté quelques repas, voire même zappé des rendez-vous tellement je suis captivée par cette énergie créative. Je suis dans une bulle, je n’ai absolument aucun recul sur ce que je fais, je trouve tout génial, et les nouvelles idées de créations s’enchaînent et se succèdent. C’est ma drogue, ma dope, mon crack, mon amphétamine, Caroline… (dites-moi que vous avez saisi la référence sinon je prends un vrai coup de vieux) (merci).
Mais bon, il faut aussi être réaliste : il est temps maintenant de prendre du recul et de troquer sa casquette de créatrice-artiste-designer pour celle de marketeuse ! Il faut que ces créations soit attirantes, cohérentes, et qu’elles donnent envie d’être achetées. Cette étape est essentielle, et pourtant j’ai voulu passer outre tellement de fois. Le risque étant de se retrouver avec des collections interminables, très éclectiques, sans aucune harmonie, impossibles à gérer en terme de production et de gestion de stock. Alors oui, choisir c’est renoncer, et pour beaucoup d’entre nous, c’est tout une montagne…
Maintenant que nous avons tous ces prototypes devant nous, relevons la tête et faisons le tri !
1 / Examiner la rentabilité
Un premier tri à faire, très pragmatique, est celui de la rentabilité. Il s’agit d’identifier et supprimer, même à contrecœur, les pièces dont la fabrication ne serait pas rentable. C’est à dire, les pièces qui nous coûteraient trop cher à produire comparé au prix de vente.
Les matériaux peuvent parfois être trop chers, mais c’est surtout le temps de fabrication que l’on doit prendre en compte. Si la production d’une pièce prend beaucoup trop de temps par rapport à la moyenne de prix que l’on envisage, ou à la valeur perçue du produit, alors n’insistons pas et sortons-la de notre collection. Une attention particulière sera donnée aux boucles d’oreilles, sur lesquelles le travail est multiplié par 2 !
Car oui, c’est un énorme erreur que de sous-estimer le temps de travail (bien souvent, lorsque l’on créé on ne pense pas que l’on travaille) car c’est bien souvent le poste de dépense n°1 dans la fabrication de bijoux ! Mais cela, nous en reparlerons plus tard 😉
Il faut également éliminer les pièces trop fragiles, ou celles trop délicates et / ou incertaines à réaliser (mais si, vous savez, quand le prototype est parfait mais que l’on est incapable de refaire correctement le même après 25 essais…)
Je vous conseille de porter vos prototypes vous-même durant plusieurs jours, pour vous faire une idée. Exit le bracelets qui taille le bras, le pendentif qui s’accroche aux pulls, les boucles qui s’emmêlent dans les cheveux…
Par exemple, j’ai dû éliminer de ma prochaine collection ces boucles d’oreilles “pétales”, que je trouvais magnifiques, mais qui de toute évidence me prenaient trop de temps à fabriquer (et encore bien plus en plaquage or). Même en pré-découpant ou en sous-traitant, je ne pouvais pas les vendre à moins de 100€ alors que je n’avais aucun autre bijoux dans cet ordre de prix.
2 / Sélectionner avec le coeur
C’est maintenant le moment de laisser parler son instinct, ses goûts mais aussi son œil. Quelles sont les pièces que l’on prend plaisir à créer ? Celles qui pourraient se décliner ? Celles qui “nous ressemblent” ? Et qui pourraient faire partie d’un tout, d’une collection ?
Savoir faire les bons choix peut s’apparenter parfois à une torture, si comme moi vous êtes de nature plutôt indécise. Dans ce cas, il peut être intéressant de faire appel à sa communauté, ou à son entourage pour un sondage. Maintenant, avec les outils de sondage Instagram ou Facebook, il n’y a plus aucune raison de s’en passer. Mais prenez garde à ne faire cela qu’en cas de grande hésitation, car bien souvent les goûts des gens sont très très TRÈS hétérogènes, et cela ne figurera pas non plus de ce qu’ils achèteraient.
Mon exemple : J’ai profité d’un défi 30 jours / 30 bijoux pour poster un concours sur mes réseaux sociaux. Il suffisait de voter pour ses 3 créations préférées. J’ai ainsi eu une meilleur idée des modèles qui plaisaient le plus.
Mais comme je vous le disais : les modèles ressortis en tête du sondage n’ont pas été ceux qui se sont vendus le plus vite !
3 / Créer une harmonie
Le mot “collection” parle de lui-même : il faut garder une cohérence entre les différentes pièces qui la composent.
La technique pour cela est de tenir un fil conducteur entre les différents modèles proposés.
Ce fil conducteur peut être entre autres :
- une couleur
- une matière
- des formes
- un thème…
Moi qui suis très “visuelle”, je dispose en général mes bijoux ensemble, côte à côte, et je les organise pour essayer de voir ce qui se dégage. Bien souvent sans le vouloir, je m’aperçois que je retourne aux même formes, aux même envies. Chez moi, c’est très clairement le graphisme, les modèles équilibrés voire très symétriques. En revanche, pour la prochaine collection, j’ai choisi d’éliminer les modèles fins au profit de bijoux “oversize”. Le mélange des 2 n’allait pas ensemble. J’ai également éliminé les modèles martelés, et ceux en rapport avec la nature.
Exemple : lors de ce défi 30 jours / 30 bijoux, j’ai clairement vu se dessiner une mini-collection que j’ai baptisée Kandinsky. Au final elle ne fera pas partie de la nouvelle collection, car j’ai opté pour d’autres modèles, mais je la garde sous le coude pour une prochaine collection.
Au final, lorsque plusieurs thèmes se dégagent, mais qu’ils ne vont pas ensemble, j’ai pris comme parti de les garder pour de prochaines collections. De même si les pièces d’une collection sont vraiment trop nombreuses. Ainsi en 2014 j’avais sorti une collection “Éléments” d’environ 25 pièces et la suite en 2015, “Éléments II” (originalité, quand tu nous tiens) pour 25 autres pièces. Une collection de 50 pièces m’aurait été impossible à gérer (et puis en terme d’optimisation du temps, c’était le top !)
Pour finir, voici mon dernier conseil : faites des collections courtes mais visuellement très consistantes !
Ma prochaine collection ne comportera que 12 modèles. C’est vraiment restreint, mais je ne voulais pas me forcer à rajouter des références qui n’auraient pas été en accord avec les autres.
À très vite pour la suite de cette série sur la création d’une collection !
Pour suivre tous les épisodes de cette série (que dis-je, cette saga !)
– Etape 1 : libérez l’artiste en vous
– Etape 2 : faire le tri
– Etape 3 : le prototypage
– Etape 4 : la fabrication (en série)
Romano delphine says
Superbe article Mélanie !! Merci. Je suis encore en plein dedans…car effectivement, il est dur de s’arrêter de créer lorsqu’on a plein d’idées !
Mel says
Ah ah, oui c’est dur ! On aimerait ne faire que ça, n’est ce pas ?
Elise says
Bonjour Mélanie, cette article tombe à pic !! j’essaie justement de créer ma 1er collection et de choisir parmi tous mes prototypes ! Merci donc pour ces conseils qui vont activement me faire avancer pour le prochain lancement. J’ai une question concernant la production, aurais-tu un conseil concernant le nombre bijoux à créer par collection (25 bagues, colliers, bracelets….), j’ai du mal à le définir, et j’ai peur d’en faire soit trop, soit pas assez……
Mel says
Bonjour Elise, et bravo pour ce démarrage ! La question du “combien je dois en faire” est une question que l’on se pose tous. Je ne vais bien entendu pas pouvoir te donner de chiffres car cela dépend de beaucoup de facteurs (as tu déjà des clients? vends tu sur des évenements, en boutique ou sur internet ? De combien de modèles est composée ta collection ? Fais tu des pièces uniques ? etc…)
Mais avec le recul, l’apprentissage de mes erreurs et celles de mes collègues ou stagiaires, je vais te donner le conseil le plus judicieux que je puisse te donner : fais-en autant que tu peux ! Si tu en fais trop, que peut-il t’arriver ? (on est d’accord, les frais de stockage pour des bijoux sont moindres…) et bien tu n’auras plus qu’à les VENDRE. Il te reste du stock sur les bras ? Fais un évenement. Démarche une boutique. Fais une vente à ton domicile. Ou encore, fais des soldes. Ce sera ton “pire” problème, et crois moi, c’est même en fait un sacré avantage.
Ne fais pas comme nous toutes avons fait, qui avons dû REFUSER des ventes, des événements ou des revendeurs parce que nous n’avons pas assez de stock à proposer. Crois moi, des exemples comme ça j’en ai des dizaines. Et crois moi, il n’y a rien de plus frustrant. Donc ne te limite pas, et fabriques tant que tu peux ! Évites l’épuisement tout de même, hein 😉
PS : merci pour l’idée d’article, j’ai très envie de le traiter prochainement !